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Ma période "Japon" : épisode #1

Published on 06/28/2017

Mes enfants adoraient que je leur raconte ma vie d’Afrique, le rhinocéros qui a chargé notre 2CV dans le bush, les buffles qui nous ont encerclés, la horde de babouins qui m’a attaquée en bataillon rangé dans une clairière, les villageois qui nous ont pris pour des missionnaires, le fleuve que j’ai descendu en radeau.

Le Japon, c’est comme l’Afrique, j’y ai vécu plein d’aventures. C’était il y a longtemps.

Episode #1 : "Ma période gâteaux"

Un nouveau concept prenait forme au Japon : le petit gâteau enveloppé individuellement et principalement destiné aux jeunes filles qui picorent.

C’est ainsi que le plus gros industriel de biscuits japonais a eu la lumineuse idée de créer des packaging extrêmement féminins, qui seraient renouvelés à chaque saison comme les collections de prêt-à-porter. "Voici l’esprit dans lequel nous désirons mener à bien ce projet", m’écrit-on : présentation culturelle (origine, dans quel cadre ce gâteau est consommé, particularité gustative). "Nous pensons développer une série sous le nom d'Anne Elisabeth, dans un esprit français."

On me chargea de dessiner une collection de gâteaux… Non seulement le packaging, mais aussi la recette…

Ce fut ma période gâteaux : "La mode-thé par Anne Elisabeth"

J’étudiais tous les packaging, toutes les têtes de gondole, de la grande surface à la boulangerie haut-de-gamme. De peu gourmande je suis devenue addict aux madeleines et boudoirs. Je dessinais des emballages fleuris, m’inspirant des imprimés de mes robes. Et j’envoyais mon dossier. Quelques semaines plus tard, je reçus les « échantillons » et nous dégustâmes religieusement mes recettes, revisitées selon le goût japonais. Je validais.

J'écrivis des textes, l’exercice de style étant d’établir une passerelle entre textile et biscuits :

« Encore un essayage, je pose une épingle, j’ajuste une épaule, la dernière robe vient de naître. Alors, comme pour suspendre le temps, je m’assois sur ma terrasse, grignote un ou deux biscuits trempés légèrement dans mon café. Ce rituel, le parfum du sucre et du beurre fondu me redonnent courage et bonne humeur ».

Enfin je reçus un billet pour Osaka, et m’envolais le cœur battant et totalement éberluée par ce qui m’arrivait.

Je suis récupérée à l’aéroport par Akemi, ma délicieuse interprète qui m’annonce que nous posons mes valises au Hilton et filons direct chez Toyobo où je suis attendue pour… une conférence de presse !

Une salle, un tableau noir et moi sur une estrade, avec Akemi et le Directeur. Une quinzaine de journalistes, tous en costume gris et cravate, assis, bien alignés, sur les bancs, crayon en main et bloc-note.

Bonjour bonjour. Trou blanc, je ne peux rien raconter, tout s’est passé dans un état second...

... Et c'est ainsi que mes petits gâteaux furent vendus dans les épiceries japonaises !